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Hongrie : la disposition de la législation « Stop Soros » sur les migrations illégales devrait être abrogée

26/06/2018

Venise - Un avis adopté le 22.06.2018 par la Commission de Venise du Conseil de l’Europe critique une disposition clé sur les migrations illégales de la législation dite « Stop Soros », que le Parlement hongrois a adoptée cette semaine.

La nouvelle disposition – l’article 353A du Code pénal – introduit l’infraction de « facilitation de l’immigration irrégulière ». Les directives de 2002 de l’UE définissent et renforcent le cadre pénal pour la prévention de l'aide à l'entrée, au transit et au séjour irréguliers. La Commission de Venise reconnaît que de nombreux pays européens érigent en infraction l’aide à l’entrée, au séjour ou au transit de migrants en situation irrégulière contre bénéfices financiers. Une telle infraction pénale n’est pas nécessairement contraire aux normes internationales relatives aux droits de l’homme – et peut être considérée comme poursuivant l’objectif légitime de la défense de l’ordre et de la prévention du crime en vertu de l’article 11 (liberté de réunion) de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH).

Cependant, la disposition hongroise va bien au-delà de ce qui est autorisé par l’article 11, car elle prévoit de manière injuste d’incriminer des activités organisationnelles qui ne sont pas directement liées à la matérialisation des migrations illégales, notamment « la préparation ou la distribution de matériels d’information » ou « le dépôt de demandes d’asile pour des migrants ». Le fait d’incriminer ces activités entrave l’aide apportée aux victimes par les ONG, restreignant de manière disproportionnée leurs droits garantis par l’article 11 et par le droit international. Par ailleurs, ériger en infraction les activités de campagne et de défense des droits – en vertu de la nouvelle disposition – constitue, selon ce même avis, une ingérence illégitime dans la liberté d’expression garantie par l’article 10.

L’avis de la Commission de Venise, demandé par la commission des questions juridiques et des droits de l’homme de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe – et fondé sur une visite en Hongrie d’une délégation de la Commission de Venise –, a été préparé de manière conjointe avec des experts juridiques de l’OSCE/BIDDH. La demande se limite aux dispositions du train de mesures législatives « Stop Soros », qui touche les activités des ONG en Europe. Par conséquent, l’avis ne traite pas des autres dispositions qui concernent plus directement les réfugiés, notamment les projets d’amendements constitutionnels. Cet avis ne saurait être considéré comme approuvant ces amendements.

L’avis compare la législation hongroise avec d’autres législations similaires dans les pays européens qui incriminent l’aide à l’immigration illégale. Si les lois d’autres pays incluent des exceptions concernant l’assistance humanitaire, aucune exception de ce type n’est prévue par le droit hongrois, ce qui serait contraire aux normes internationales, selon les experts juridiques. Les personnes ou ONG travaillant en vertu d’un impératif d’ordre moral pour apporter leur aide dans des cas individuels, par exemple, ou pour fournir une aide à la frontière hongroise, risquent d’être poursuivies – même si elles agissent en toute bonne foi conformément au droit international pour apporter leur aide à des demandeurs d’asile ou autres catégories de migrants en situation régulière, notamment dans des cas de traite des êtres humains.

Par ailleurs, les sanctions prévues par la nouvelle loi pour des activités criminelles définies de manière beaucoup trop vaste sont disproportionnées, en incluant une peine pouvant aller jusqu’à un an d’emprisonnement. En effet, la condamnation d’un seul membre d’une ONG pourrait aboutir à des sanctions à l’encontre de l’ONG toute entière, voire à sa dissolution, ce qui entraînerait à nouveau une violation de l’article 11, selon l’avis.

Bien que le projet initial de train de mesures législatives « Stop Soros », soumis en février de cette année, prévoie une consultation publique, le gouvernement n’a organisé aucune véritable consultation avant que le projet ne soit soumis au Parlement, le 29 mai, puis voté cette semaine. La Commission de Venise souligne que la conduite d’une consultation du public avec les organisations de la société civile avant l’adoption de la législation qui les concerne directement fait partie des bonnes pratiques que les États européens devraient suivre dans leurs processus législatifs nationaux.

La Commission de Venise et l’OSCE/BIDDH regrettent que la nouvelle loi ait été votée deux jours avant l’adoption de l’avis.

Elles concluent ce qui suit :

L’article 353A n’offre pas la précision requise et ne répond pas aux critères de prévisibilité au sens de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Comme il érige en infraction l’ouverture d’une procédure d’asile ou l’affirmation d’autres droits conférés par la loi au nom des demandeurs d’asile, il comporte un risque de poursuites pénales pour les individus et organisations qui apportent une assistance légitime aux migrants. En outre, il ne prévoit pas de clause d’exception humanitaire et énumère des options ouvertes quant aux activités organisationnelles visées, tandis que les activités de campagne et de défense des droits, incluant l’information des individus sur leurs droits et leurs protections juridiques, ne sont pas exclues de son champ d’application. Il convient de rappeler que seul l’encouragement intentionnel des migrants à contourner la loi devrait donner lieu à des poursuites pénales. En outre, la disposition risque de mettre en danger le financement des ONG, car elle ne fait pas clairement la distinction entre un« gain financier » en tant que stricte contrepartie d’une activité illégale et « tout revenu » généré dans le cadre des activités ordinaires d’une ONG. La responsabilité pénale individuelle d’un membre d’une ONG et la responsabilité de l’entité juridique ne sont pas non plus différenciées, et la conséquence juridique de la condamnation pénale d’un membre d’une ONG en vertu de l’article 353A pourrait être que l’ONG elle-même risquerait d’être dissoute sur la base de la loi CIV de 2001, ce qui semble être disproportionné. Enfin, la disposition n’a pas été soumise à une véritable consultation publique, avec une possibilité satisfaisante de participation, avant son adoption. Pour toutes ces raisons, la disposition pourrait dissuader toute activité en lien avec l’expression et l’organisation et porter atteinte aux droits à la liberté d’association et d’expression. Elle doit être abrogée.


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