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L’ex
République yougoslave de Macédoine -
la
« dite » loi sur la lustration |
Contexte
Les normes européennes en matière de lustration découlent de trois sources
principales :
-
La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de
l’homme ;
-
La jurisprudence des cours constitutionnelles nationales ;
-
Les résolutions de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, à
savoir la Résolution 1096 (1996) sur les mesures de démantèlement de
l’héritage des anciens régimes totalitaires communistes et la Résolution
1481(2006) sur la nécessité d’une condamnation internationale des crimes des
régimes communistes totalitaires. La Résolution 1096 (1996) de l’APCE
renvoie aux « Principes directeurs à respecter pour que les lois de
lustration et les mesures administratives analogues soient conformes aux
exigences d’un Etat de droit » (dénommés ci-après : « les Principes
directeurs ») en tant que texte de référence.
L’avis amicus curiae rendu par la Commission de Venise sur la Loi de
lustration albanaise[1]
s’appuie sur ces normes et les complète.
L’essence de ces normes peut se résumer à quatre critères clefs relatifs aux
procédures de lustration, à savoir :
•
établissement de la culpabilité dans chaque cas individuel ;
•
garantie du droit de se défendre, de la présomption d’innocence et du
droit d’interjeter appel devant un tribunal ;
•
respect des différentes fonctions et objectifs de la lustration, à
savoir la protection de la nouvelle démocratie émergente et de la
législation pénale, notamment l’application de peines aux personnes
présumées coupables ;
•
respect de délais stricts concernant la durée d’application de la Loi
et la période couverte par celle-ci.
Conclusions
L’objet du présent mémoire
amicus curiae,
établi à la demande de la Cour constitutionnelle macédonienne, n’est pas
d’évaluer la constitutionnalité de
la Loi de lustration mais de donner à la Cour des éléments concernant la
compatibilité de cette Loi avec la Convention européenne des droits de
l’homme, ainsi que des éléments de droit constitutionnel comparé destinés à
aider la Cour à examiner l’affaire concernée. Pour ce qui est de
l’interprétation contraignante de la Constitution macédonienne, le dernier
mot revient à la Cour constitutionnelle. La Commission de Venise souligne
qu’une telle interprétation est contraignante pour toutes les institutions
nationales relevant des pouvoirs exécutif, judiciaire et législatif, qui
sont tenues de la respecter et d’y adhérer.
La
Commission de Venise a analysé la Loi de lustration sous quatre angles
différents : a) champ d’application temporel ; b) champ d’application
personnel; c) garanties procédurales accordées aux personnes auxquelles les
mesures de lustration sont appliquées ; d) publication des noms des
personnes considérées comme ayant collaboré avec le régime totalitaire.
Elle
est parvenue aux principales conclusions ci-après:
a)
L’adoption de mesures de lustration très longtemps après l’engagement d’un
processus de transition démocratique dans un pays donné est susceptible de
semer le doute quant au véritable objectif de ces mesures. Il importe que la
revanche ne prenne pas le pas sur la protection de la démocratie. Il faut
donc qu’elle soit justifiée par des raisons convaincantes.
L’objectif de la lustration étant d’empêcher que des personnes ayant une
attitude antidémocratique accèdent à des fonctions, et compte tenu du fait
que l’éventualité de changements positifs dans l’attitude et le comportement
d’une personne ne doit pas être sous-estimée, l’application de mesures de
lustration à des actes remontant de 21 à 68 ans en arrière (ou même de 31 à
78 ans quand la Loi de lustration cessera de s’appliquer), peut – le cas
échéant – être justifié si des crimes de la plus grande gravité sont en
cause, par exemple en cas de violation massive et répétée de droits
fondamentaux donnant également lieu à des peines privatives de liberté en
application du droit pénal.
L’application de mesures de lustration à raison d’actes commis après la fin
du régime totalitaire ne peut se justifier qu’au regard de conditions
historiques et politiques exceptionnelles et non dans un pays où un cadre
institutionnel démocratique existe de longue date et où l’ordre
constitutionnel démocratique devrait se défendre lui-même au moyen de la
mise en œuvre de l’état de droit et des garanties de protection des droits
de l’homme. Des motifs politiques, idéologiques ou d’appartenance à un parti
ne devraient pas être utilisés pour justifier l’application de mesures de
lustration dans la mesure où la stigmatisation et la discrimination
d’opposants politiques ne sont pas des instruments acceptables de combat
politique dans un Etat régi par le principe de la primauté du droit.
Pour ce qui est de la durée des mesures de lustration, celle-ci devrait
dépendre, d’une part, des progrès accomplis dans la mise en place d’un Etat
démocratique régi par le principe de la primauté du droit et, d’autre part,
de la capacité de la personne objet de la lustration à changer d’attitude et
de pratiques. Chaque mesure de lustration devrait avoir une durée fixe de
façon à éviter tout traitement discriminatoire entre des personnes se
trouvant dans la même situation en fonction de la date d’adoption de la
mesure.
b)
L’application de mesures de lustration à des fonctions qui relèvent
d’organisations privées ou semi-privées outrepasse l’objectif de la
lustration qui est d’empêcher des personnes d’exercer des fonctions
gouvernementales quand il se révèle impossible de faire confiance aux
intéressés pour exercer celles-ci dans le respect des principes
démocratiques.
Le lien litigieux avec le régime totalitaire doit être défini de manière
très précise.
c)
L’absence de participation de la personne concernée à la procédure devant la
Commission de vérification des faits est contraire aux droits de défense de
l’intéressé, notamment au droit à l’égalité des armes. La procédure devant
la Commission de vérification et la procédure d’appel doivent être régies de
manière très détaillée pour que les principes de l’état de droit et du droit
à une procédure régulière soient respectés.
d)
Les noms de ceux qui sont considérés comme étant des collaborateurs ne
devraient être publiés qu’une fois la décision définitive rendue par le
tribunal, c’est-à-dire uniquement après que la collaboration soit
irrévocablement établie, pour que les effets négatifs d’une telle
publication sur la réputation des intéressés puissent être considérés comme
étant une mesure proportionnée dans une société démocratique.
[1]
CDL-AD(2009)044. |
Liens utiles
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