Commission de Venise - Observatoire des situations d'urgence

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Avis de non-responsabilité: ces informations ont été recueillies par le Secrétariat de la Commission de Venise sur la base des contributions des membres de la Commission de Venise, et complétées par des informations disponibles à partir de diverses sources ouvertes (articles académiques, blogs juridiques, sites Web d'information officiels, etc.) .

Tous les efforts ont été faits pour fournir des informations exactes et à jour. Pour plus de détails, veuillez visiter notre page sur le COVID-19 et les mesures d'urgence prises par les États membres: https://www.venice.coe.int/WebForms/pages/?p=02_EmergencyPowersObservatory&lang=FR


  Armenie

1.     La constitution de votre pays comporte-t-elle des dispositions spécifiques applicables aux situations d'urgence (guerre et/ou autre urgence publique menaçant la vie de la nation)?

La Constitution, telle que modifiée en 2015, traite de la procédure de déclaration de l’état d’urgence par le gouvernement, en cas de danger imminent pour l’ordre constitutionnel (article 120). En cas de déclaration de l’état d’urgence, une séance spéciale de l’Assemblée nationale est immédiatement convoquée. Après la déclaration de l’état d’urgence, le gouvernement peut prendre les mesures dictées par la situation. L’Assemblée nationale peut lever l’état d’urgence ou annuler l’application des mesures prévues par le régime légal de l’état d’urgence, à la majorité des voix du nombre total des députés.

Un mécanisme similaire est prévu pour la déclaration de la loi martiale (article 119), bien que la Constitution ne prévoie pas de pouvoirs au gouvernement pour prendre des mesures appropriées.

Pendant l’état d’urgence, la Constitution prévoit également des règlements spéciaux concernant les élections de l’Assemblée nationale (articles 90-91), la défiance à l’égard du Premier ministre (article 115), la confiance dans le gouvernement (article 157) et la tenue d’un référendum (article 208).

Une disposition distincte de la Constitution (article 119) traite de la déclaration de la loi martiale par le gouvernement en cas d’attaque armée contre la République d’Arménie ou de danger imminent de celle-ci ou de déclaration de guerre.

2.     Existe-t-il dans votre pays des lois organiques/constitutionnelles ou ordinaires régissant l'état d'urgence ?

Selon l'article 120, partie 4 de la Constitution, le régime juridique de l'état d'urgence est prescrit par une loi adoptée à la majorité des voix du nombre total des députés.

La loi sur le régime juridique de l'état d'urgence a été adoptée par l'Assemblée nationale le 21.03.2012 (pour le texte en arménien cliquez ici)
Il s'agit d'une loi ordinaire, et non d'une loi organique ou constitutionnelle.

La loi sur le régime juridique de l'état d'urgence décrit les pouvoirs que le gouvernement peut exercer suite à la déclaration de l'état d'urgence.

La loi constitutionnelle de la République d'Arménie sur le règlement intérieur de l'Assemblée nationale (adoptée par l'Assemblée nationale le 16.12.2016) traite de la procédure de convocation et de tenue d'une séance spéciale en cas de déclaration de l'état d'urgence (article 48), de la procédure de présentation et de débat d'un projet de résolution de l'Assemblée nationale sur la levée de l'état d'urgence ou l'annulation de la mise en œuvre des mesures introduites pendant l'état d'urgence (article 107) (pour la traduction anglaise cliquez ici)

3. Existe-t-il dans votre pays des lois organiques/constitutionnelles ou ordinaires sur les risques sanitaires ou autres situations d'urgence?

Il existe un certain nombre de lois ordinaires sur les risques sanitaires ou autres urgences publiques, en particulier la loi sur la protection de la population en situation d'urgence, la loi sur les soins et services médicaux de la population, la loi sur le service de secours, la loi sur la protection sismique, la loi sur la sécurité incendie, la loi sur la défense civile.

4. L'état d'urgence a-t-il été déclaré dans votre pays en raison de la pandémie Covid-19 ? Par quelle autorité et pour combien de temps?

Oui, l’état d’urgence a été déclaré une première fois par décret du gouvernement le 16 mars 2020 pour une durée de 30 jours, avant d’être prolongé jusqu’au 15 juillet (décret du gouvernement arménien N 298-Ն, voir la version en arménien ici).

5. La déclaration pouvait-elle être, et a-t-elle été soumise à l'approbation du Parlement (si elle a été prise par l'exécutif)?

La décision a été prise par le gouvernement. D’après l’article 120 partie 2 de la Constitution, en cas de déclaration d’un état d’urgence, une session spéciale de l’Assemblée nationale devrait être convoquée immédiatement en vertu de la loi. L’Assemblée nationale peut lever l’état d’urgence ou annuler la mise en oeuvre des mesures prévues par le régime juridique de l’état d’urgence, à la majorité des voix du nombre total de députés (partie 3).
Le décret et ses modifications ultérieures ont été respectivement soumis à l’Assemblée nationale.

6. La déclaration pouvait-elle être, et a-t-elle été soumise à un contrôle judiciaire ? A-t-elle été jugée justiciable?

Non, bien que le décret du gouvernement puisse être soumis au contrôle constitutionnel (article 168 point 1 de la Constitution), à la majorité des 1/5e des députés de l’Assemblée nationale ou du Président de la République (article 169 partie 1, points 2 et 5), le décret n’a pas été contesté devant la Cour constitutionnelle.

7. Des dérogations aux droits de l'homme sont-elles possibles dans des situations d'urgence en vertu du droit national? Quelles sont les circonstances et les critères requis pour déclencher une exception? Une dérogation a-t-elle été faite en vertu de l'article 15 de la CEDH ou de tout autre instrument international? Le droit national interdit-il la dérogation à certains droits, même en situation d’urgence? Existe-t-il une exigence explicite selon laquelle les dérogations doivent être proportionnées, c'est-à-dire strictement limitées, quant à leur durée, leurs circonstances et leur portée, aux exigences de la situation?

Oui, l'article 76 de la Constitution prévoit la possibilité de restrictions des libertés et droits fondamentaux pendant l'état d'urgence ou la loi martiale. Il dispose que “Pendant l'état d'urgence ou la loi martiale, les droits fondamentaux et libertés de l'être humain et du citoyen - à l'exception de ceux visés aux articles 23-26, 28-30, 35-37, à la partie 1 de l'article 38, à la partie 1 de l'article 41, à la partie 1, à la première phrase de la partie 5 et à la partie 8 de l'article 47, à l'article 52, à la partie 2 de l'article 55, à l'article 56, article 61, articles 63-72 de la Constitution - ne peuvent être temporairement suspendus ou soumis à des restrictions supplémentaires selon la procédure prescrite par la loi, que dans la mesure où la situation existante l'exige dans le cadre des engagements internationaux pris en matière de dérogation aux obligations pendant l'état d'urgence ou la loi martiale.”

Par rapport à l'article 15 de la CEDH, la Constitution arménienne prévoit un éventail plus limité de droits pouvant être soumis à des restrictions en cas d'état d'urgence, en particulier les droits suivants ne peuvent être restreints : dignité humaine, intégrité physique et mentale, égalité générale devant la loi, liberté de mariage, droits et responsabilités des parents, droits de l'enfant, droit à l'éducation, liberté de pensée, de conscience et de religion, droit à la citoyenneté, interdiction de la déportation ou de l'extradition, droits d'identité nationale et ethnique.

L'article 78 de la Constitution prévoit le principe de proportionnalité, selon lequel ”les moyens choisis pour restreindre les libertés et droits fondamentaux doivent être appropriés et nécessaires à la réalisation de l'objectif prescrit par la Constitution. Les moyens choisis pour la restriction doivent être proportionnels à l'importance du droit ou de la liberté fondamentale faisant l'objet de la restriction".

Respectivement, l'article 10 de la loi sur le régime juridique de l'état d'urgence dispose que "les restrictions aux droits et libertés consacrés par la présente loi doivent être appliquées exclusivement aux fins auxquelles elles étaient destinées, et doivent être proportionnées aux objectifs qui y sont énoncés”.

8. Quels droits de l'homme ont été limités/dérogés dans votre pays, dans le contexte de la pandémie Covid-19?

Les dérogations aux droits fondamentaux suivantes ont été mises en oeuvre à la suite du décret du gouvernement sur la déclaration de l’état d’urgence :
limitation de la liberté de mouvement (paragraphes 1-9.1, 27-51 du décret déclarant l’état d’urgence)
droit de propriété (paragraphes 10-10.4)
liberté de réunion (16-17.2)
exercice d’activités économiques
liberté de la presse (dérogation abrogée plus tard), ainsi que
droits des personnes dans les établissements pénitentiaires

9. Si l'état d'urgence n'a pas été déclaré, l'exécutif a-t-il bénéficié de pouvoirs supplémentaires en vertu de la législation ordinaire sur les risques sanitaires ou d'une autre urgence publique? A-t-il décidé d'imposer des restrictions exceptionnelles aux droits de l'homme sur la base de ces lois?

L’état d’urgence a été déclaré ; les pouvoirs du gouvernement se basent sur la législation pré-existante et la loi sur le régime légal de l’état d’urgence (voir question 1), qui décrivent en détail le type de mesures que le gouvernement peut prendre une fois que l’état d’urgence est déclaré. Cependant, les mesures prises par le gouvernement ne peuvent pas empêcher l’activité normale de l’Assemblée nationale de la République d’Arménie, de la Cour constitutionnelle de la République d’Arménie, des cours de la République d’Arménie et du défenseur des droits humains de la République d’Arménie.

10. Est-ce que la possibilité pour l’exécutif de déroger à la répartition normale des pouvoirs en situation d’urgence est limitée quant à sa durée, ses circonstances et sa portée?

L’article 5 de la loi sur le régime légal de l’état d’urgence dispose que la situation d’urgence est déclarée pour un minimum de 30 jours et un maximum de 60 jours. Si les facteurs relatifs à la situation d’urgence sont toujours présents après l’expiration du terme, l’état d’urgence peut être prolongé

11. Les sessions du Parlement ont-elles été suspendues pendant l’épidémie Covid-19? Si oui, pour combien de temps? Des règles spécifiques sur le fonctionnement du Parlement pendant l'urgence ont-elles été adoptées? Par le parlement ou par l'exécutif?

Non, les sessions du parlement ont continué comme prévu

12. Les sessions judiciaires de la Cour constitutionnelle ou d'une juridiction équivalente et/ou d'autres tribunaux ont-elles été suspendues pendant l’épidémie Covid-19? Si oui, pour combien de temps ? Des règles spécifiques sur leur fonctionnement pendant l'état d'urgence ont-elles été adoptées ? Par le parlement ou par l'exécutif ?

Les sessions de la Cour constitutionnelle se sont poursuivies dans leur ordre normal.

Des règles spéciales pour les tribunaux ordinaires ont été adoptées par décision du Conseil supérieur de la magistrature, notamment :
Audiences à distance / en ligne, si consentement des participants au procès.
Travail des tribunaux devant être assuré avec le minimum d’employés possible.
Changements d’équipes dans les bureaux des tribunaux afin de réduire au minimum le nombre d’employés en service
Garantie du droit d’accès aux pièces du dossier dans les procédures judiciaires grâce à l’utilisation de toutes les applications électroniques disponibles.
Incitation pour les juges à accepter les documents électroniques, à condition qu’ils soient sauvegardés en cas de besoin.
Ajournement des audiences du tribunal pour les juges et participants aux procès, sur la base d’un arrangement préalable, sauf pour les affaires devant être entendues immédiatement.

13. La législation sur l'état d'urgence ou sur la situation d'urgence a-t-elle été modifiée ou adoptée pour faire face à la pandémie de Covid-19?

Oui, certains amendements à la loi sur le régime juridique de l'état d'urgence ont été adoptés, notamment :
- L'article 9.1 prévoyait des restrictions aux droits des données à caractère personnel, à la vie privée et familiale, à la confidentialité des communications. Les opérateurs du réseau public de communications électroniques sont tenus, conformément à la procédure établie par la décision du gouvernement de la République d'Arménie, de fournir aux organes de l'État et aux personnes morales établies par cette décision 1) les données de localisation des clients ; 2) les numéros de téléphone directement ou indirectement liés au numéro de téléphone du client, la date de début de la conversation téléphonique, les données nécessaires pour connaître le début, et en cas de renvoi ou de transfert de l'appel téléphonique, les données sur le numéro de téléphone auquel l'appel a été transféré (pour le texte en arménien voir ici)

Les fonctions du Responsable spécial du gouvernement en cas d'état d'urgence ont été confiées au Premier ministre ou au Vice-Premier ministre, qui sont désormais autorisés à résoudre d'autres questions urgentes conditionnées par l'état d'urgence (auparavant, le gouvernement devait nommer la personne compétente). Pour l'exercice des pouvoirs pendant l'état d'urgence, le Premier ministre ou le Vice-premier ministre peut adopter des actes sous-législatifs. Auparavant, par la décision du gouvernement de la République d'Arménie de déclarer l'état d'urgence, un organe collégial pouvait être établi, qui a été réformé en un organe consultatif rattaché au Premier ministre ou au Vice-premier ministre, respectivement (version arménienne de l'amendement disponible via le lien suivant https://www.arlis.am/DocumentView.aspx?docid=142124)

14. Cette législation supplémentaire a-t-elle fait l'objet d'un contrôle judiciaire?

Non, la législation amendée n’a pas fait l’objet d’un contrôle judiciaire.

15. L'état d'urgence a-t-il été prolongé ? Pour combien de temps ? La prolongation a-t-elle été soumise à un contrôle parlementaire ? A-t-elle été soumise à un contrôle judiciaire?

L’état d’urgence a été prolongé trois fois, pour 30 jours à chaque fois. Voir aussi la réponse aux questions 4 et 5.

16. Quels sont les recours juridiques disponibles contre les mesures générales et/ou individuelles prises dans le cadre de l'état d'urgence? Quels sont les recours juridiques contre les mesures prises en application de la législation ordinaire sur les crises sanitaires ? Une modification des recours juridiques disponibles a-t-elle été décidée en raison de l'état d'urgence ou provoquée par celui-ci? Des mesures d'urgence ont-elles été invalidées et pour quelles raisons (compétence, procédure, manque de proportionnalité, etc.).

Les actes limitant le droit à la liberté individuelle peuvent être contestés par voie administrative ou devant les tribunaux, conformément à la loi sur les principes fondamentaux de l’administration et des procédures administratives et au Code de la procédure administrative de la République d’Arménie.

Aucune mesure n’a été invalidée, mais certaines mesures ont été abandonnées à une date ultérieure en raison de vives critiques du public (par exemple, la limitation sur la liberté de publication sur les affaires relatives au COVID et pouvant semer la panique dans le pays).

17. Si des élections parlementaires et/ou, le cas échéant, présidentielles étaient prévues pendant l'urgence de Covid-19 : ont-elles eu lieu? Des dispositions particulières ont-elles été prises et, si oui, lesquelles ? A-t-il été nécessaire de modifier la législation électorale? Quel a été le taux de participation? Comment a-t-elle été comparée à celle des élections précédentes? Si elles ont été reportées, quelle était la base constitutionnelle ou légale pour le faire? Qui a pris la décision? Pour combien de temps ont-elles été reportées? Cette décision a-t-elle été soumise à un contrôle parlementaire ou judiciaire ?

Le référendum sur la modification de l'article 213 de la Constitution a été suspendu en vertu de l'article 208 de la Constitution. La loi sur le référendum prévoit que "5. Un référendum prévu mais non tenu pour des raisons de loi martiale ou de situation d'urgence doit être organisé au plus tôt 50 et au plus tard 65 jours après la fin de l'état militaire ou de l'état d'urgence. Le Président de la République désigne le référendum dans les trois jours qui suivent la fin de l'état militaire ou de l'état d'urgence".

Un amendement à la loi sur le référendum a été adopté par l'Assemblée nationale le 03.06.2020 permettant au Parlement de rappeler un référendum qui n'a pas été tenu en raison de la loi martiale ou de la situation d'urgence (toujours pas signé par le Président de la République).

18. Mêmes questions que sous 17, mutatis mutandis, en ce qui concerne les élections locales et les référendums.

Non applicable