Commission de Venise - Observatoire des situations d'urgence

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Avis de non-responsabilité: ces informations ont été recueillies par le Secrétariat de la Commission de Venise sur la base des contributions des membres de la Commission de Venise, et complétées par des informations disponibles à partir de diverses sources ouvertes (articles académiques, blogs juridiques, sites Web d'information officiels, etc.) .

Tous les efforts ont été faits pour fournir des informations exactes et à jour. Pour plus de détails, veuillez visiter notre page sur le COVID-19 et les mesures d'urgence prises par les États membres: https://www.venice.coe.int/WebForms/pages/?p=02_EmergencyPowersObservatory&lang=FR


  Autriche

1.     La constitution de votre pays comporte-t-elle des dispositions spécifiques applicables aux situations d'urgence (guerre et/ou autre urgence publique menaçant la vie de la nation)?

Seules quelques dispositions de la Constitution fédérale d’Autriche (Bundes-Verfassungsgesetz) traitent de situations de crise. La plupart d’entre elles n’encadrent pas les situations où la vie de la nation est menacée, mais de circonstances où le Parlement n’est pas opérationnel ou fonctionnel pour une raison quelconque.
En particulier, l’article 18 paragraphes 3-5, régit un transfert de pouvoir législatifs si la prise immédiate de mesures est nécessaire pour prévenir un dommage évident et irréparable à la communauté et si le Parlement n’est pas réuni, ne peut pas se réunir à temps, ou est empêché d’agir par des circonstances indépendantes de sa volonté (situation appelée Notverordnungsrecht). Le Président fédéral peut alors, sur recommandation du gouvernement fédéral et sous sa responsabilité et celle du gouvernement, prendre ces mesures par le biais d’un règlement provisoire venant modifier la loi. Le gouvernement doit présenter ses recommandations avec le consentement du sous-comité permanent afin d’être désigné par le Comité du conseil national. Un tel règlement nécessite la contresignature du gouvernement fédéral et doit être soumis sans délai au Conseil national.
Dans les quatre semaines suivant la soumission de cette contresignature, le Conseil national doit soit adopter une loi fédérale à la place du règlement correspondant, soit passer une résolution demandant que le règlement en place soit immédiatement invalidé. Les règlements ne devraient pas contenir d’amendements à la loi constitutionnelle fédérale et, en particulier, ne devrait pas imposer une charge financière permanente sur la Fédération, les provinces ou les municipalités.
Au niveau provincial, l’article 97 paragraphes 3 et 4, définit les conditions d’application des règlements provisoires de modification des lois d’un gouvernement de Land. En outre, l’article 102 paragraphe 5 prévoit que, si dans une province, l’adoption immédiate de mesures dans des domaines relevant de l’administration fédérale directe devient nécessaire pour éviter un préjudice manifeste et irréparable à l’ensemble de la communauté dans des circonstances où les plus hautes autorités de l’administration fédérale sont entravées par des évènements indépendants de leur volonté, le gouverneur doit prendre les mesures en leur nom.
L’article 79 paragraphe 5, énonce les conditions dans lesquelles l’armée fédérale peut intervenir de sa propre initiative aux fins de la défense militaire du pays, de la protection des institutions constitutionnellement établies, du maintien de l’ordre et de la sécurité ou de l’assistance en cas de catastrophes et désastres naturels (par exemple, si des circonstances indépendantes de leur volonté ont mis les fonctionnaires compétents dans l’impossibilité d’effectuer une intervention par l’armée et qu’une nouvelle attente entraînerait des dommages irréparables pour la collectivité dans son ensemble).
Sans se référer à d’éventuels dommages ou préjudices, l’article 5 paragraphe 2 prévoit le transfert du siège des organes fédéraux suprêmes dans une autre localisation par le Président fédéral pour la durée des circonstances exceptionnelles. De même, l’article 25 paragraphe 2, réglemente la convocation du Conseil national ailleurs que sur le territoire fédéral. Enfin, l’article 51 paragraphe 7 détermine que les plafonds du budget fédéral peuvent être d’passés en cas de danger imminent et en cas de défense.
Pendant la crise de la COVID, aucune réglementation telle que visée à l’article 18 paragraphe 3 de la Constitution fédérale n’a été émise. Au lieu de cela, au début de la crise, une session spéciale du Parlement a été tenue afin d’adopter une « loi Covid-19 ».
Outre les dispositions de la Constitution fédérale, l’Autriche est tenue de respecter l’article 15 de la CEDH. Depuis 1964, la Convention dans son ensemble, et donc son article 15, fait partie intégrante de la Constitution. La procédure nationale selon laquelle des mesures dérogatoires aux droits de la Convention peuvent être adoptées, reste contestée.

2.     Existe-t-il dans votre pays des lois organiques/constitutionnelles ou ordinaires régissant l'état d'urgence ?

Comme pour la Constitution fédérale, il n'existe pas de lois organiques/constitutionnelles ou ordinaires qui réglementent explicitement l'état d'urgence. Il est certain que plusieurs dispositions des lois ordinaires peuvent être pertinentes dans les situations d'urgence ou pour éviter de telles situations ; certaines de ces dispositions contiennent des autorisations pour que l'exécutif prenne certaines mesures. Par exemple, la section 19 de la loi sur la police de sécurité (Sicherheitspolizeigesetz) régit les compétences des autorités de sécurité pour apporter une aide en cas de danger imminent pour la vie, la santé, la liberté ou les biens des personnes individuelles. Les règlements de protection et les mesures de précaution peuvent également être trouvés dans d'autres lois, par exemple dans la loi sur le régime des eaux (Wasserrechtsgesetz) et le code du commerce (Gewerbeordnung). Dans le domaine du droit de la construction, des règlements peuvent être promulgués (par les provinces) pour la protection contre les avalanches, les tempêtes, les inondations et les incendies. La section 43 du code de la route (Straßenverkehrsordnung) autorise des restrictions ou des interdictions de circuler en cas d'événements élémentaires (actuels ou imminents), par exemple l'exclusion de certains groupes de l'utilisation d'une rue ou d'une partie de rue.

3. Existe-t-il dans votre pays des lois organiques/constitutionnelles ou ordinaires sur les risques sanitaires ou autres situations d'urgence?

Les questions de santé sont notamment régies par les lois sur les épidémies de 1950 (Epidemiegesetz 1950). Cette loi constitue la base des mesures mises en œuvre pendant la crise actuelle de la Coronavirus (voir Q8 et Q9.). Elle détermine, entre autres, les conditions de mise en quarantaine des personnes malades (section 7) ; la désinfection des objets et des locaux (section 8) ; le blocage des logements, l'interdiction des cérémonies funéraires (section 12) ; les mesures contre le rassemblement de grandes foules (section 15) ; la fermeture des établissements d'enseignement (section 18) ; les restrictions d'exploitation ou l’arrêt des opérations commerciales (section 20) et les restrictions sur le transport vers l'étranger (section 25).
Début mars 2020, certaines parties de cette loi ont été remplacées par une nouvelle législation sur la pandémie Covid-19 (voir ci-dessous, en particulier les questions 4, 8 et 9).

Il existe également la loi sur les épizooties (Tierseuchengesetz) qui autorise le Chancelier fédéral à ordonner des mesures sanitaires et vétérinaires afin de prévenir ou de combattre les maladies.

4. L'état d'urgence a-t-il été déclaré dans votre pays en raison de la pandémie Covid-19 ? Par quelle autorité et pour combien de temps?

L’état d’urgence n’a pas été déclaré en Autriche, et la Constitution en prévoit pas une telle déclaration (voir Q1 sur les pouvoirs extraordinaires du gouvernement dans les cas où le Parlement ne peut se réunir).
Le gouvernement a agi sur la base de la législation préexistante en matière de lutte contre les épidémies, à savoir la loi sur les maladies épidémiques. Ainsi, le 11 mars 2020, le ministre de la santé a, par un décret, interdit les rassemblements de plus de 500 participants, ordonné la fermeture d’universités et d’écoles, arrêté la circulation transfrontalière, etc.

Afin de faire face à la pandémie de Covid-19, des lois spécifiques ont été adoptées qui prévoient des autorisations pour les ministres fédéraux d’émettre des règlements et d’étendre les pouvoirs de l’exécutif : Loi Covid-19 (15 mars 2020), y compris la loi sur les mesures COVID-19 (Covid 19 Maßnahmengesetz), deuxième loi Covid-19 (21 mars 2020), incluant la loi sur les mesures accompagnant la Covid-19 dans les procédures administratives, les procédures devant les tribunaux administratifs, devant la Cour suprême administrative et constitutionnelle (Verwaltungsrechtliches COVID-19-Begleitgesetz – COVID-19-VwBG).

5. La déclaration pouvait-elle être, et a-t-elle été soumise à l'approbation du Parlement (si elle a été prise par l'exécutif)?

Non-applicable – l’état d’urgence n’a pas été déclaré en Autriche, et la Constitution ne
prévoit pas une telle déclaration (voir Q1 sur les pouvoirs extraordinaires du gouvernement dans les cas où le parlement ne peut se réunir), et le gouvernement agissait sur la base d’une législation préexistante, ou d’une législation modifiée pendant la crise COVID.

6. La déclaration pouvait-elle être, et a-t-elle été soumise à un contrôle judiciaire ? A-t-elle été jugée justiciable?

Non applicable – l’état d’urgence n’a pas été déclaré en Autriche, et la
Constitution ne prévoit pas une telle déclaration (voir Q1 sur les pouvoirs extraordinaires du gouvernement dans les cas où le Parlement en peut se réunir), et le gouvernement agissait sur la base d’une législation préexistante, ou d’une législation modifiée pendant la crise COVID.

7. Des dérogations aux droits de l'homme sont-elles possibles dans des situations d'urgence en vertu du droit national? Quelles sont les circonstances et les critères requis pour déclencher une exception? Une dérogation a-t-elle été faite en vertu de l'article 15 de la CEDH ou de tout autre instrument international? Le droit national interdit-il la dérogation à certains droits, même en situation d’urgence? Existe-t-il une exigence explicite selon laquelle les dérogations doivent être proportionnées, c'est-à-dire strictement limitées, quant à leur durée, leurs circonstances et leur portée, aux exigences de la situation?

Contrairement aux limitations très courantes des droits fondamentaux dans des cas spécifiques, une dérogation générale aux droits de l’homme dans les situations d’urgence n’est plus possible en droit national (avant son abrogation par l’article 149, paragraphe 2, de la Constitution fédérale, l’article 20 de la loi fondamentale sur les droits généraux des ressortissants (Staatsgrundgesetz 1867) prévoyait une suspension temporaire et locale des droits prévus aux articles 8, 9, 10, 12 et 13 de cette loi).

Aucune dérogation n’a été faite non plus au titre de l’article 15 de la CEDH ou de tout autre instrument international.

Une dérogation générale n’est pas possible en vertu de la loi nationale et n’est pas non plus explicitement interdite. En général, le droit national permet des limitations à la plupart des droits de l’homme ; cependant, il existe certains droits « absolus » qui ne peuvent être restreints, même dans les situations d’urgence. Il s’agit notamment de l’interdiction de la peine de mort (article 85 de la Constitution fédérale) et de plusieurs droits régis par la CEDH – qui a le statut de loi constitutionnelle en Autriche – tels que l’interdiction de la torture (article 3), l’interdiction de l’esclavage et du travail forcé (article 4), la garantie de nulla poena sine lege (article 7), l’interdiction de l’expulsion des nationaux et de l’expulsion collective d’étrangers (articles 3 et 4 du 4ème protocole additionnel), le droit à ne pas être jugé ou puni deux fois (article 4 du 7ème protocole additionnel). Certains de ces droits ne peuvent pas non plus faire l’objet d’une dérogation en vertu de l’article 15, paragraphe 2, de la CEDH.

Les limitations aux droits de l’homme doivent toujours être proportionnées, poursuivre un objectif public, être propres à atteindre cet objectif et être limitées dans la mesure strictement nécessaire. Toutes les limitations doivent respecter le principe d’égalité et ne doivent pas être arbitraires. Étant donné qu’aucune dérogation générale n’est possible en vertu du droit autrichien, il n’existe pas de prescriptions quant à l’étendue de ces dérogations

8. Quels droits de l'homme ont été limités/dérogés dans votre pays, dans le contexte de la pandémie Covid-19?

Plusieurs droits de l’homme ont été limités depuis le 15 mars 2020 par le biais des lois et règlements Covid-19, qui autorisent des mesures visant à limiter, d’une part, les contacts sociaux afin de lutter contre la propagation du virus, et, d’autre part, à réduire les effets négatifs sur les entreprises et les employés. Entre-temps, certaines de ces lois ont déjà cessé d’être en vigueur (comme le prévoient les lois respectives).

De nombreuses limitations des droits de l’homme résultent de l’interdiction de pénétrer dans les lieux publics (applicable sur l’ensemble du territoire autrichien) dans la section 1 du règlement du ministre de la santé conformément à la section 2 lit 1 de la loi sur les mesures Covid 19. Cette interdiction restreint, entre autres, la liberté de mouvement (également affectée par les restrictions de voyage et la quarantaine dans plusieurs municipalités), le droit au respect de la vie privée et familiale, le droit à la liberté individuelle, le droit à la liberté de réunion et la liberté d’expression. Les mesures mises en œuvre limitent également le droit à la liberté de religion (par exemple, la fermeture d’églises), le droit à l’éducation, le droit à la propriété (par exemple, au moyen d’amendes imposées en raison d’infractions à la loi COVID-19 - 5), le droit à la vie privée ainsi que la liberté de mener une activité commerciale et de travailler – puisque de nombreux magasins ont dû fermer. La fermeture de magasins a également affecté le principe d’égalité (par exemple, pendant un certain temps, seuls les petits magasins d’une superficie maximale de 400m² ont été autorisés à ouvrir). Les visites aux hôpitaux, aux centres de soins et aux institutions similaires ont été interdites, les écoles et les jardins d’enfants ont été fermés. Ces mesures ont affecté le droit à la vie privée, les droits de l’enfant et le droit à l’éducation. En outre, le droit à la protection des données a été affecté, notamment parce que les écoles communiquent avec les élèves et leurs parents via des plateformes en ligne ou des listes de diffusions. Voir également la question 9

9. Si l'état d'urgence n'a pas été déclaré, l'exécutif a-t-il bénéficié de pouvoirs supplémentaires en vertu de la législation ordinaire sur les risques sanitaires ou d'une autre urgence publique? A-t-il décidé d'imposer des restrictions exceptionnelles aux droits de l'homme sur la base de ces lois?

Il n’y a pas eu de transfert formel de compétences vers l’exécutif.

Cependant, l’exécutif jouit de pouvoirs supplémentaires en vertu de la législation sur les risques sanitaires, à savoir la loi sur les épidémies, qui – avec plusieurs lois COVID-19 fait partie des bases juridiques permettant d’ordonner et d’exécuter des mesures de lutte contre la propagation de la COVID-19. En conséquence, le gouvernement a publié un certain nombre de règlements dans ce cadre juridique.

Par décret du ministre de la santé, la COVID-19 a été incluse dans le champ d’application de la loi sur les épidémies. Pour cette raison, les autorités peuvent prendre des précautions comme indiqué dans la loi sur les épidémies afin de lutter contre la propagation de COVID-19.

La loi sur les épidémies prévoit plusieurs mesures de précaution à cet égard, telles que la quarantaine, la fermeture des établissements d'enseignement et des opérations commerciales, ainsi que des restrictions en matière de transport et de voyage. L'exécutif est compétent pour mettre en œuvre ces mesures et pour édicter des règlements qui, par exemple, interdisent les grands rassemblements de personnes (section 15) ou déterminent la manière de mettre en œuvre les mesures dans les transports publics (section 26, paragraphe 1). Ces règlements sont édictés par le ministre de la santé (s'ils s'appliquent à l'ensemble du territoire), par le gouverneur (s'ils s'appliquent à une province entière ou à plusieurs municipalités) ou par les autorités administratives régionales (section 43, paragraphe 4a). Selon la section 28a, paragraphe 1, de la loi sur les épidémies, les organes de sécurité publique doivent soutenir les autorités et organes compétents dans l'exercice de leurs fonctions et dans la mise en œuvre des mesures. Ils doivent également contribuer à la mise en œuvre de la loi sur les épidémies et de toute réglementation adoptée sur la base de cette loi (section 28a, paragraphe 1 bis).

10. Est-ce que la possibilité pour l’exécutif de déroger à la répartition normale des pouvoirs en situation d’urgence est limitée quant à sa durée, ses circonstances et sa portée?

Bien que l'exécutif puisse bénéficier de pouvoirs supplémentaires dans les situations d'urgence, il n'y a pas de dérogation formelle à la répartition normale des pouvoirs. La législation et l'exécution en matière de santé publique relèvent de la compétence de la Fédération (article 10 paragraphe 1 lit 12 de la Constitution fédérale). L'application de la loi sur les épidémies et de la loi sur les mesures COVID-19 se fait donc sous la forme d'une administration fédérale indirecte, ce qui signifie que le gouverneur et les autorités provinciales qui lui sont subordonnées exercent le pouvoir exécutif de la Fédération (article 102, paragraphe 1 de la Constitution fédérale).

La loi sur les mesures COVID-19 ainsi que les règlements pris en application de cette loi et de la loi sur les épidémies sont limités dans le temps. Certaines d'entre elles ont déjà cessé d'être en vigueur, la dernière cessera d'être en vigueur le 31 décembre 2020. En ce qui concerne les circonstances et le champ d'application, les sections 1 et 2 de la loi sur les mesures COVID-19 disposent que le ministre peut prendre des règlements (par exemple pour restreindre la liberté de mouvement dans les lieux publics) lorsque la COVID-19 se produit ("Beim Auftreten von COVID-19") et dans la mesure où cela est nécessaire pour prévenir la propagation du virus.

11. Les sessions du Parlement ont-elles été suspendues pendant l’épidémie Covid-19? Si oui, pour combien de temps? Des règles spécifiques sur le fonctionnement du Parlement pendant l'urgence ont-elles été adoptées? Par le parlement ou par l'exécutif?

Les sessions du Parlement (Conseil national) n'ont pas été suspendues. Le Parlement tient ses
sessions avec des mesures de protection (masques faciaux, écrans en plexiglas, règles de distance). L'interdiction de rassemblement de grandes foules n'inclut pas, entre autres, les réunions des organes représentatifs généraux tels que le Conseil national, le Conseil fédéral et les parlements provinciaux.

12. Les sessions judiciaires de la Cour constitutionnelle ou d'une juridiction équivalente et/ou d'autres tribunaux ont-elles été suspendues pendant l’épidémie Covid-19? Si oui, pour combien de temps ? Des règles spécifiques sur leur fonctionnement pendant l'état d'urgence ont-elles été adoptées ? Par le parlement ou par l'exécutif ?

Les sessions judiciaires de la Cour constitutionnelle n'ont pas été suspendues. La Cour a toutefois modifié ses méthodes de travail. Les contacts personnels entre les requérants et les membres ou employés de la Cour ont été réduits. Les employés n'étaient présents que pour les activités qui devaient y être menées. De nombreuses tâches pouvaient et peuvent encore être effectuées par le biais du télétravail. À ce jour, les employés peuvent également être présents physiquement à la Cour, mais des mesures de protection s'appliquent (distance minimale, masques faciaux, etc.).

Une loi fixant les règles de procédure pour les autorités administratives, les tribunaux administratifs, la Cour administrative suprême et la Cour constitutionnelle, a été adoptée. Cette loi dispose, entre autres, que les audiences ne doivent être tenues qu'en cas d'absolue nécessité (section 3). En outre, certains délais pour les procédures en cours ont été interrompus (section 1). Le Chancelier fédéral est autorisé à étendre ou à prolonger l'interruption des délais (section 5).

13. La législation sur l'état d'urgence ou sur la situation d'urgence a-t-elle été modifiée ou adoptée pour faire face à la pandémie de Covid-19?

Ni les dispositions constitutionnelles ni les
lois ordinaires ne réglementent explicitement les situations d'urgence, bien que la constitution prévoie la possibilité pour l'exécutif de légiférer lorsque le Parlement ne peut se réunir (voir Q1). Par conséquent, aucune législation correspondante n'a été modifiée. Il existe une législation spécifique concernant la pandémie, qui confère à l'exécutif certains pouvoirs spécifiques ; cette législation a été modifiée pendant la crise COVID-19 (par exemple, la loi sur les épidémies).

14. Cette législation supplémentaire a-t-elle fait l'objet d'un contrôle judiciaire?

Les lois et règlements adoptés peuvent être soumis à un contrôle juridictionnel par la Cour constitutionnelle. Certaines demandes sont déjà en cours. Le 14 juillet 2020, la Cour constitutionnelle autrichienne a rendu un jugement concernant le règlement COVID-19 du 15 mars 2020, Journal officiel fédéral II no. 98/2020 (tel que modifié), selon lequel l'entrée dans les lieux publics était généralement interdite dans le but de prévenir la propagation du COVID-19. La Cour constitutionnelle a estimé que cette réglementation était illégale car elle ne disposait pas d'une autorisation légale claire prévoyant expressément une ingérence d'une telle ampleur dans le droit à la libre circulation. Le § 2 de la loi sur les mesures COVID-19 prévoit que l'accès à certains lieux peut être interdit par un règlement administratif afin de prévenir la propagation de la pandémie. Conformément au § 1 du règlement COVID-19 du 15 mars 2020, Journal officiel fédéral II no. 98/2020, tel que modifié (ci-après, le " Règlement-98 "), l'entrée dans les lieux publics était généralement interdite. Le § 2 du règlement 98 prévoyait plusieurs exceptions à cette interdiction ; par exemple, l'entrée dans les lieux publics était autorisée pour couvrir les besoins de base nécessaires (§ 2.3) et à des fins professionnelles (§ 2.4) ; enfin, l'entrée dans les lieux publics extérieurs pouvait se faire seul ou avec des personnes vivant dans le même ménage (§ 2.5). Le règlement-98 a expiré le 30 avril 2020.

En avril 2020, un individu a déposé une plainte constitutionnelle contre le règlement-98, alléguant notamment la violation de son droit à la libre circulation et à la liberté de propriété. Il affirmait qu'en raison de la situation de COVID-19, son employeur lui avait ordonné de travailler à domicile. Par conséquent, l'exception du § 2.4 du règlement-98 ne lui était pas applicable. Il était autorisé à quitter son domicile pour se promener, conformément au paragraphe 2.5 du règlement 98, mais il ne pouvait pas accéder à l'appartement qu'il louait à Vienne, car il aurait dû utiliser les transports publics pour s'y rendre. Selon l'article 4 du règlement 98, l'utilisation des transports publics n'était autorisée que pour les exceptions prévues aux articles 2.1 à 2.4, à l'exclusion de l'article 2.5.

Le requérant, un assistant universitaire, a également affirmé qu'il ne pouvait remplir ses obligations professionnelles, qui comprennent la rédaction d'une thèse, que de manière très limitée - en particulier parce qu'on lui refusait l'utilisation de la bibliothèque de l'université. Par conséquent, les § 1, § 2 et § 4 du règlement 98 affectaient également son droit à la liberté de travail. Au moment où la Cour constitutionnelle a rendu son arrêt, les mesures prévues par le règlement 98 avaient déjà expiré. Toutefois, la Cour constitutionnelle, développant sa jurisprudence, a estimé que l'intérêt juridique d'un requérant à obtenir une décision contraignante sur la constitutionnalité d'une disposition peut s'étendre au-delà de la période relativement courte pendant laquelle la disposition a été en vigueur si la violation de cette disposition est punie par la loi.

La Cour constitutionnelle a estimé qu'il n'y avait pas d'objection à la constitutionnalité du § 2 de la loi sur les mesures COVID-19, sur lequel le règlement-98 avait été fondé. Le § 2 de la loi sur les mesures COVID-19 fournit une base légale suffisamment précise pour toute interdiction d'entrée et correspond donc au principe de légalité de l'article 18.2 de la loi constitutionnelle fédérale et - en ce qui concerne le droit à la liberté de circulation - de l'article 2 protocole 4 de la CEDH et de l'article 4.1 de la loi fondamentale sur les droits généraux des citoyens du 21 décembre 1867.

Or, la Cour constitutionnelle a décidé que le règlement-98 était illégal car ses dispositions dépassaient les limites fixées par le § 2 de la loi sur les mesures COVID-19. Le § 1 (interdiction d'entrée) et le § 2 (exceptions) du règlement-98 étaient systématiquement liés au § 4 du règlement-98, qui réglemente l'utilisation des transports publics. Selon le § 6 du Règlement-98, toute personne entrant dans un lieu public devait démontrer, en cas de contrôle de police, que cette entrée était couverte par les exceptions énoncées au § 2 du Règlement-98.

La Cour constitutionnelle a souligné que l'objectif du § 1 du règlement 98 était d'inciter les gens à rester chez eux. La Cour constitutionnelle a également précisé qu'en vertu de l'article 2 de la loi sur les mesures COVID-19, le ministre de la Santé publique compétent (ci-après, le "ministre de la Santé") peut décrire, de manière spécifique ou abstraite, les lieux dans lesquels il est interdit de pénétrer, et peut également interdire l'accès à des zones limitées sur le plan régional. Il est toutefois interdit au ministre de la santé d'imposer une interdiction de sortie en tant que telle (même si elle est limitée à une région) par le biais d'une interdiction générale de pénétrer dans les lieux publics. L'autorisation légale est limitée dans la mesure où les personnes ne peuvent pas être forcées à rester dans un certain endroit, notamment à leur domicile.

La Cour constitutionnelle a observé que le règlement-98 avait prévu des exceptions à l'interdiction générale d'entrée. Toutefois, ces exceptions - en particulier le § 2.5 du règlement-98 - ne changeaient rien au fait que le § 1 du règlement-98 n'interdisait pas seulement l'entrée de certains lieux mais constituait plutôt une interdiction générale de sortie. Ceci était en contradiction avec le § 2 de la loi sur les mesures COVID-19, qui n'autorise pas une telle interdiction générale. La Cour constitutionnelle a souligné que cela ne signifie pas qu'une interdiction de sortie ne pourrait pas être justifiée dans des circonstances spécifiques si une telle mesure peut être prouvée comme étant proportionnée. En tout état de cause, une restriction de la libre circulation d'une telle ampleur, qui abroge en principe ce droit, nécessiterait une autorisation légale spécifique.

La Cour constitutionnelle a donc conclu que le règlement 98 était illégal parce qu'il ne disposait pas d'une autorisation légale suffisante.

Un autre arrêt du CC d'Autriche (celui du 14 juillet 2020) concernait les restrictions de propriété prévues par le § 1 du règlement COVID-19 du 15 mars 2020, Journal officiel fédéral II n°. 96/2020, comprenant une interdiction d'entrée dans les zones de clientèle des locaux commerciaux et conduisant à une fermeture temporaire des magasins et des entreprises sont nécessaires afin d'éviter la propagation de la pandémie COVID-19.

§ 1 du règlement COVID-19 du 15 mars 2020, Journal officiel fédéral II no. 96/2020 (ci-après, le "Règlement-96"), a interdit l'accès aux espaces clients des locaux commerciaux et, par conséquent, les magasins ont dû fermer. Le § 2 du Règlement-96 prévoyait certaines exceptions. Selon le § 4.2 de la loi sur les mesures COVID-19, qui constitue la base juridique du règlement-96, les dispositions de la loi sur les épidémies de 1950 relatives à la fermeture des établissements ne sont pas applicables lorsqu'un règlement a été pris en vertu du § 1 de la loi sur les mesures COVID-19. Toutefois, contrairement au § 32 de la loi sur les épidémies de 1950, la loi sur les mesures COVID-19 ne prévoit pas d'indemnisation pour le manque à gagner subi par les entreprises touchées par les mesures prises en vertu de cette loi.

Les requérants, qui sont des sociétés commerciales ayant plusieurs succursales en Autriche, ont déposé une plainte constitutionnelle auprès de la Cour constitutionnelle, alléguant notamment la violation de leur droit de propriété conformément à l'article 5 de la Loi fondamentale sur les droits généraux des citoyens du 21 décembre 1867 (ci-après, la "Loi fondamentale") et à l'article 1 du Protocole 1 de la CEDH, ainsi qu'une violation du principe constitutionnel d'égalité énoncé à l'article 7.1 de la Loi constitutionnelle fédérale et à l'article 2 de la Loi fondamentale.

La Cour constitutionnelle a estimé que l'absence de droit à une indemnisation ne viole pas le droit fondamental à la propriété ni le principe d'égalité. Tout d'abord, la Cour constitutionnelle a observé qu'une interdiction d'accès aux locaux commerciaux aurait le même effet sur les entreprises concernées qu'une interdiction d'exploitation et constitue donc une ingérence significative dans le droit fondamental à la propriété. Toutefois, la Cour constitutionnelle a estimé que l'interdiction d'entrée était et est intégrée dans un vaste ensemble de mesures visant à atténuer l'impact économique de l'interdiction d'entrée sur les entreprises concernées et des conséquences de la pandémie de COVID-19 en général. La Cour constitutionnelle a estimé que ce train de mesures se substituait au droit à l'indemnisation prévu par la loi de 1950 sur les épidémies.

En particulier, la Cour constitutionnelle a souligné que les entreprises touchées ont légalement droit à des aides financières telles que des indemnités de chômage partiel. Au regard de ces mesures de soutien, l'interdiction d'entrée ne constitue pas une ingérence disproportionnée dans le droit fondamental à la propriété. Un droit à l'indemnisation pour toutes les entreprises touchées par l'interdiction d'entrée ne peut être déduit du droit de propriété : Toutes les entreprises des secteurs du commerce et des services ayant des zones de clientèle (en dehors des exceptions prévues au § 2 du règlement-96) ont été affectées par l'interdiction d'entrée et les conséquences négatives qui en découlent. Les restrictions à la propriété ont été jugées nécessaires afin d'éviter la propagation de la pandémie de COVID-19. Par conséquent, la Cour constitutionnelle a estimé que dans la constellation actuelle, aucune obligation ne pouvait être tirée du droit fondamental à la propriété pour fournir une demande d'indemnisation supplémentaire.

La Cour constitutionnelle a relevé qu'en outre, le fait que la loi sur les mesures COVID-19 ne prévoit pas de droit à l'indemnisation en cas d'interdiction d'entrée, alors que la loi sur les épidémies de 1950 accorde un tel droit pour le manque à gagner en cas de fermeture d'entreprises, ne viole pas le principe d'égalité. Ces dispositions ne peuvent pas être comparées entre elles, car la loi de 1950 sur les épidémies ne vise qu'à lutter contre la propagation d'épidémies locales, par exemple en fermant certains établissements commerciaux (notamment les usines) présentant un risque spécifique de propagation d'une épidémie - contrairement aux mesures à grande échelle touchant l'ensemble de l'économie de détail prévues par la loi sur les mesures COVID-19.

En outre, la Cour constitutionnelle a souligné que le législateur jouit d'une large marge d'appréciation dans la lutte contre les conséquences économiques de la pandémie de COVID-19. La décision d'intégrer l'interdiction d'entrée dans un dispositif de sauvetage distinct (au lieu de recourir au régime de la loi sur les épidémies de 1950), qui poursuit essentiellement le même objectif que le droit à une compensation pour perte de revenus en vertu de la loi sur les épidémies de 1950, ne va pas à l'encontre du principe d'égalité.

La Cour constitutionnelle a conclu que, d'un point de vue global, l'absence d'indemnisation ne constitue pas une violation d'un droit constitutionnel.

15. L'état d'urgence a-t-il été prolongé ? Pour combien de temps ? La prolongation a-t-elle été soumise à un contrôle parlementaire ? A-t-elle été soumise à un contrôle judiciaire?

La constitution ne prévoit pas de déclaration spécifique de l'état d'urgence ; le gouvernement agissait sur la base de la législation préexistante sur le contrôle des épidémies, telle que modifiée pendant la crise.

16. Quels sont les recours juridiques disponibles contre les mesures générales et/ou individuelles prises dans le cadre de l'état d'urgence? Quels sont les recours juridiques contre les mesures prises en application de la législation ordinaire sur les crises sanitaires ? Une modification des recours juridiques disponibles a-t-elle été décidée en raison de l'état d'urgence ou provoquée par celui-ci? Des mesures d'urgence ont-elles été invalidées et pour quelles raisons (compétence, procédure, manque de proportionnalité, etc.).

En dehors du mécanisme prévu par l'article 15 de la CEDH, la constitution autrichienne ne prévoit pas d'état d'urgence en tant que tel. Cela dit, il existe des recours juridiques qui peuvent être appliqués en ce qui concerne les mesures prises en application de la "législation sur les crises sanitaires". Les lois (les lois préexistantes et les récentes modifications adoptées pendant la crise de la COVID) et les règlements peuvent faire l'objet d'un contrôle juridictionnel. En fait, plusieurs requêtes sont actuellement en cours devant la Cour constitutionnelle. Les recours contre les mesures individuelles telles que les sanctions administratives (amendes) pour violation des restrictions liées à la COVID comprennent principalement des appels. Un recours (Einspruch) doit être introduit dans un délai de deux semaines devant l'autorité qui a prononcé la sanction.

Les recours légaux disponibles n'ont pas été restreints ou modifiés d'une autre manière. Aucune mesure d'urgence n'a été invalidée à ce jour. Toutefois, certaines de ces réglementations, limitées dans le temps, ont déjà cessé d'être en vigueur (voir Q10).

17. Si des élections parlementaires et/ou, le cas échéant, présidentielles étaient prévues pendant l'urgence de Covid-19 : ont-elles eu lieu? Des dispositions particulières ont-elles été prises et, si oui, lesquelles ? A-t-il été nécessaire de modifier la législation électorale? Quel a été le taux de participation? Comment a-t-elle été comparée à celle des élections précédentes? Si elles ont été reportées, quelle était la base constitutionnelle ou légale pour le faire? Qui a pris la décision? Pour combien de temps ont-elles été reportées? Cette décision a-t-elle été soumise à un contrôle parlementaire ou judiciaire ?

Aucune élection fédérale n'a été affectée (car aucune élection n'était prévue).

18. Mêmes questions que sous 17, mutatis mutandis, en ce qui concerne les élections locales et les référendums.

Les élections municipales ont été affectées dans deux provinces.
En Styrie, les élections ont été suspendues par le gouverneur et le parlement provincial. La législation électorale correspondante a donc été modifiée : une nouvelle disposition a été introduite dans le règlement électoral (Gemeindewahlordnung), qui régit les "circonstances extraordinaires" (section 96b du règlement). Afin de mettre en œuvre une résolution du parlement provincial, les partis gouvernementaux se sont mis d'accord sur une nouvelle date. Le nouveau jour des élections est le 28 juin 2020. Comme la loi provinciale prévoit le vote anticipé et le vote par correspondance (qui avaient déjà commencé début mars avec une centaine de votes déjà exprimés à ce moment-là), le processus électoral a été officiellement interrompu pour être poursuivi en juin.

Dans le Vorarlberg, les élections ont été reportées par le gouvernement fédéral et le parlement provincial. Le gouvernement provincial et l'association des municipalités (Gemeindeverband) ont convenu qu'elles se tiendraient en septembre 2020. La Constitution du Vorarlberg autorise un report pouvant aller jusqu'à neuf mois (article 14, paragraphe 3).

Jusqu'à présent, ces décisions n'ont pas été soumises au contrôle parlementaire ou judiciaire