Commission de Venise - Observatoire des situations d'urgence

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Tous les efforts ont été faits pour fournir des informations exactes et à jour. Pour plus de détails, veuillez visiter notre page sur le COVID-19 et les mesures d'urgence prises par les États membres: https://www.venice.coe.int/WebForms/pages/?p=02_EmergencyPowersObservatory&lang=FR


  France

1.     La constitution de votre pays comporte-t-elle des dispositions spécifiques applicables aux situations d'urgence (guerre et/ou autre urgence publique menaçant la vie de la nation)?

La Constitution de la France contient deux dispositions relatives à l’état d’exception : l’article 16 attribuant des pouvoirs exceptionnels au Président de la République « [l]orsque les institutions de la République, l'indépendance de la Nation, l'intégrité de son territoire ou l'exécution de ses engagements internationaux sont menacées d'une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu » et l’article 36 sur l’état de siège.

L’article 16 n’a été appliqué qu’une seule fois, en 1961 après la tentative de coup d’État en Algérie française.

L'état d'urgence n'est pas en tant que tel encadré par la Constitution française. A deux reprises, le Conseil constitutionnel a statué que « la Constitution n’exclut pas la possibilité pour le législateur de prévoir un régime d’état d’urgence » (Décisions n° 2015-527 QPC du 22 décembre 20 et n° 2016-535 QPC du 19 février 2016).

Dans le cas d'espece, les autorités françaises n'ont pas utilisé les régimes d'urgence prevus par la legislation en force (la loi n° 55-385 du 3 avril 1955), mais ont introduit, par une loi adoptée à cet effet en mars 2020, un nouveau régime "d'urgence sanitaire".

En plus de ce qui précède, l’article 38 prévoit la possibilité que le gouvernement soit mandaté par le Parlement pour émettre des ordonnances législatifs: "Le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi.

Les ordonnances sont prises en conseil des ministres après avis du Conseil d'État. Elles entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de ratification n'est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d'habilitation. Elles ne peuvent être ratifiées que de manière expresse.

A l'expiration du délai mentionné au premier alinéa du présent article, les ordonnances ne peuvent plus être modifiées que par la loi dans les matières qui sont du domaine législatif."

2.     Existe-t-il dans votre pays des lois organiques/constitutionnelles ou ordinaires régissant l'état d'urgence ?

Une ordonnance de 2004 (législation déléguée) a codifié l'état de siège dans le Code de défense (un régime d'urgence à caractère militaire). Dès que l'état de siège est décrété, les pouvoirs dont l'autorité civile est investie pour le maintien de l'ordre et la police sont transférés à l'autorité militaire. Il n'a pas été utilisé en France depuis la seconde guerre mondiale.

L’état d’urgence (qui n'est pas dans la Constitution - voir Q1) est défini par la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 (antérieure à la Constitution actuelle), modifiée notamment par la loi du 20 novembre 2015.

L’état d’urgence est prononcé par décret présidentiel, soumis au contreseing du Premier ministre et délibéré en Conseil des Ministres (article 13 de la Constitution), mais une loi est nécessaire pour le prolonger au-delà de 12 jours (article 2). Le décret déclenchant l’état d’urgence peut être contesté devant le Conseil d’Etat.

L’article 4 dispose que « la loi portant prorogation de l’état d’urgence est caduque à l’issue d’un délai de quinze jours francs suivant la date de démission du Gouvernement ou de dissolution de l’Assemblée nationale ».

L’article 4-ter ajouté par la loi du 20 novembre 2015 dispose que « L’Assemblée nationale et le Sénat sont informés sans délai des mesures prises par le Gouvernement pendant l’état d’urgence. Ils peuvent requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l’évaluation de ces mesures ». En application de l’article 5-ter de l’Ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, la Commission des lois de l’Assemblée nationale a décidé de mettre en place, dès le 2 décembre 2015, une « veille continue » destinée à permettre un contrôle effectif et permanent de la mise en oeuvre de l’état d’urgence. Ce travail a pour objectif premier d’évaluer la pertinence des mesures adoptées et de formuler, le cas échéant, des recommandations.

Les mesures d’urgence dites « de police administrative », prises par l’autorité civile et autorisées par la loi de 1955 sont notamment : interdiction de la circulation des personnes ou des véhicules (article 5, 1°) ; institution de zones de protection ou de sécurité où le séjour des personnes est réglementé (article 5, 2°) ; interdiction de séjour dans tout ou partie du département à toute personne cherchant à entraver, de quelque manière que ce soit, l'action des pouvoirs publics (article 5, 3°) ; assignation à résidence, de personnes à l'égard desquelles il existe des raisons sérieuses de penser que leur comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics; (article 6) ; dissolution d’associations ou groupements de fait qui participent à la commission d'actes portant une atteinte grave à l'ordre public ou dont les activités facilitent cette commission ou y incitent (article 6-1) ; fermeture provisoire des salles de spectacles, débits de boissons et lieux de réunion de toute nature (article 8, al. 1) ; interdiction de réunions de nature à provoquer ou à entretenir le désordre (article 8, al 2) ; remise de certaines armes et munitions, détenues ou acquises légalement, pour des motifs d'ordre public (article 9) ; la réquisition de personnes, de biens et de services (article 10) ; perquisition au domicile de jour et de nuit (article 11.I) ; blocage de sites internet incitant à la commission d'actes de terrorisme ou en faisant l'apologie » (article 11.II). Certaines de ces mesures telles que les assignations à résidence ou à domicile et les perquisitions relèvent normalement de la compétence de l’autorité judiciaire.

La possibilité prévue à l’article 11, pour les autorités civiles, de « reprendre toutes les mesures pour assurer le contrôle de la presse et des publications de toute nature ainsi que celui des émissions radiophoniques, des projections cinématographiques et des représentations théâtrales » a été abrogée par la loi du 20 novembre 2015.

L’article 14, modifié par la loi du 20 novembre 2015, dispose que « les mesures prises en application de la présente loi cessent d’avoir effet en même temps que prend fin l’état d’urgence ».

Les mesures de police peuvent être contestées devant le juge administratif (article 14-1), y compris par la voie du référé.

Dans le cas d'espece, les autorités françaises n'ont pas utilisé les régimes d'urgence prevus par la legislation en force (la loi n° 55-385 du 3 avril 1955), mais ont introduit, par une loi adoptée à cet effet en mars 2020, un nouveau régime "d'urgence sanitaire".

3. Existe-t-il dans votre pays des lois organiques/constitutionnelles ou ordinaires sur les risques sanitaires ou autres situations d'urgence?

Oui, une loi ordinaire y a pourvu.

L’article L.3131-1 du code de la santé publique permet au ministre de la santé de prendre toute mesure proportionnée et appropriée « en cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d’urgence ».

Certaines mesures ont pu être prises sur la base de cet article avant la loi 2020-290 du 23 mars 2020 qui a ajouté un article L.3131-12 créant un « état d’urgence sanitaire ».

Le Parlement a souhaité un rendez-vous en mars 2021, ces dispositions n’étant dès lors applicables que jusqu’à cette date. Un vote devra intervenir avant cette date pour leur donner, éventuellement, un caractère permanent.

4. L'état d'urgence a-t-il été déclaré dans votre pays en raison de la pandémie Covid-19 ? Par quelle autorité et pour combien de temps?

Oui (mais pas dans le cadre de la Constitution qui ne réglemente pas l'état d'urgence autre que l'état de siège - voir Q1).

Les premières mesures liées à la crise de Covid-19 ont été adoptées par le Ministre de la Santé sur la base de l'article L3131-1 du Code de la Santé Publique - voir ici. Sur la base de ces competences, le Ministre de la santé a adopté l'arrêté ministériel du 14 mars 2020, qui interdit l'accès du public à un certain nombre d'établissements ouverts au public réunion ou activité réunissant plus de 100 personnes dans un environnement fermé ou ouvert et interdit l'accès des usagers aux crèches et aux établissements d'enseignement et d'enseignement supérieur.

Ensuite, il a fallu une loi créant l’état d’urgence sanitaire, organisant spécialement les pouvoirs et compétences des autorités, et par laquelle le législateur a en outre habilité le pouvoir exécutif à agir par ordonnances sur certaines matières. Il s’agit de la loi 2020-290 du 23 mars 2020. Aux termes de la loi 2020-290 du 23 mars 2020, l’état d’urgence est déclaré par décret en Conseil des ministres.

5. La déclaration pouvait-elle être, et a-t-elle été soumise à l'approbation du Parlement (si elle a été prise par l'exécutif)?

Aux termes de la loi 2020-290 du 23 mars 2020, l’état d’urgence est déclaré par décret en Conseil des ministres (article 2) et ne peut être prorogé au-delà d’un mois que par une loi. C’est ensuite le législateur qui peut proroger l’état d’urgence.

Dans le cas précis du COVID, en l’absence alors d’une disposition sur l’état d’urgence sanitaire, l’article 4 de la loi visée ci-dessus a déclaré directement l’état d’urgence pour une durée de deux mois.

La prorogation a été prononcée par la loi 2020-546 du 11 mai 2020. L’état d’urgence prendra fin le 10 juillet 2020 selon l’article 1 de cette loi. Une nouvelle prorogation n’est possible que par la loi.

Ainsi, dans le contexte de COVID, l'état d'urgence sanitaire a été déclaré par la loi elle-même et non par un décret présidentiel.

L’état d’urgence ayant été levé au 10 juillet 2020, une loi a pourvu à la nécessité d’une gestion ordonnée de la sortie de l’état d’urgence (en cours de publication à la date de cette note).

6. La déclaration pouvait-elle être, et a-t-elle été soumise à un contrôle judiciaire ? A-t-elle été jugée justiciable?

L'état d'urgence sanitaire a été déclaré par la loi elle-même de mars 2020, excluant ainsi contestation judiciaire de la déclaration elle-même, sauf éventuellement par voie de révision constitutionnelle. Par contre, les mesures adoptées au titre de l'état d'urgence sont elles-mêmes soumises au contrôle judiciaire.

Les autorités compétentes pour saisir le Conseil constitutionnel au titre du contrôle a priori (article 61-1 de la Constitution), seul habilité à contrôler une loi avant sa promulgation, ne l’ont pas saisi après le vote de la loi 2020-290.

La loi de prorogation lui a en revanche été soumise. Le Conseil constitutionnel a rendu sa décision le 11 mai (sous le numéro 2020-800 DC).

La loi organisant la fin de l’urgence sanitaire a été déférée au Conseil constitutionnel qui aura rendu sa décision le 9 juillet 2020 (2020-203 DC en cours de publication sur le site du CC)

7. Des dérogations aux droits de l'homme sont-elles possibles dans des situations d'urgence en vertu du droit national? Quelles sont les circonstances et les critères requis pour déclencher une exception? Une dérogation a-t-elle été faite en vertu de l'article 15 de la CEDH ou de tout autre instrument international? Le droit national interdit-il la dérogation à certains droits, même en situation d’urgence? Existe-t-il une exigence explicite selon laquelle les dérogations doivent être proportionnées, c'est-à-dire strictement limitées, quant à leur durée, leurs circonstances et leur portée, aux exigences de la situation?

Il n’y a pas eu de notification au titre de l’article 15.

Les textes de loi relatifs aux états d’urgence ne contiennent pas de dispositions générales sur des dérogations aux droits de l’homme.

Les contrôles de constitutionnalité sur ces dispositions législatives (par le Conseil constitutionnel) sont exercés selon les procédures habituelles.

Les autres textes pris sous leur empire (notamment les ordonnances) sont eux aussi soumis aux contrôles de droit commun. Les tribunaux judiciaires et administratifs mènent leurs contrôles dans les conditions normales.

Tous les textes pris en application de ces dispositions rappellent que « Les mesures prescrites […] sont strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires ».

8. Quels droits de l'homme ont été limités/dérogés dans votre pays, dans le contexte de la pandémie Covid-19?

Les restrictions principales ont concerné la liberté d’aller et de venir ainsi que la liberté de réunion. Des restrictions importantes ont aussi concerné la liberté d’entreprendre (ceci visait principalement les fermetures d’établissements et d’entreprises et donc l’accès à l’emploi).

9. Si l'état d'urgence n'a pas été déclaré, l'exécutif a-t-il bénéficié de pouvoirs supplémentaires en vertu de la législation ordinaire sur les risques sanitaires ou d'une autre urgence publique? A-t-il décidé d'imposer des restrictions exceptionnelles aux droits de l'homme sur la base de ces lois?

Au visa de l’article L.3131-1 du code de la santé (voir Q3) et des « circonstances exceptionnelles », le Premier Ministre a pu prendre des mesures de restriction des déplacements (décret du 16 mars 2020).

Aux termes de la loi 2020-290 du 23 mars 2020, (introduisant la notion de "l'etat d'urgence sanitaire"), Art. L. 3131-15, le Premier Ministre, dans les circonscriptions territoriales où l'état d'urgence sanitaire est déclaré, peut, par décret réglementaire adopter certaine mesures - Restreindre ou interdire la circulation des personnes et des véhicules, interdire aux personnes de sortir de leur domicile, ordonner le placement et le maintien en isolement, ordonner la fermeture provisoire d'une ou plusieurs catégories d'établissements recevant du public etc. Les mesures prescrites endoivent etre strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Pour plus de detail voir ici

L’appel aux circonstances exceptionnelles se réfère à une théorie jurisprudentielle ancienne du Conseil d’Etat qui est très encadrée par la jurisprudence et prévoit que le pouvoir réglementaire s’exerce sous le plein contrôle du juge (donc selon les modalités de contrôle habituelles).


10. Est-ce que la possibilité pour l’exécutif de déroger à la répartition normale des pouvoirs en situation d’urgence est limitée quant à sa durée, ses circonstances et sa portée?

Seule une habilitation législative fondée sur l’article 38 de la Constitution permet au pouvoir exécutif de bénéficier de pouvoirs appartenant au législateur. Cette répartition des pouvoirs est inscrite à l’article 34 de la Constitution. La durée des habilitations est fixée par la loi.

Par ailleurs, les pouvoirs de l’exécutif spécifiques à l’état d’urgence sont détaillés dans la loi créant l’état d’urgence - en cas d'espece, la loi 2020-290 du 23 mars 2020, (introduisant la notion de "l'etat d'urgence sanitaire", voir Q9). Toutes les mesures ont une durée limitée par celle de l’état d’urgence.

11. Les sessions du Parlement ont-elles été suspendues pendant l’épidémie Covid-19? Si oui, pour combien de temps? Des règles spécifiques sur le fonctionnement du Parlement pendant l'urgence ont-elles été adoptées? Par le parlement ou par l'exécutif?

Il n’y a pas eu de suspension de la session parlementaire.

Les travaux parlementaires avaient été interrompus fin février jusqu’au 23 mars pour cause d’élections municipales. Les débats ont été suspendus ensuite pendant quelques jours à l’Assemblée nationale où les cas de contamination étaient assez nombreux.

Ils ont pu reprendre quelques jours après, dès que l’instance de chaque assemblée, seule compétente en la matière (la conférence des présidents et/ou le bureau), a mis en place un protocole sanitaire.

12. Les sessions judiciaires de la Cour constitutionnelle ou d'une juridiction équivalente et/ou d'autres tribunaux ont-elles été suspendues pendant l’épidémie Covid-19? Si oui, pour combien de temps ? Des règles spécifiques sur leur fonctionnement pendant l'état d'urgence ont-elles été adoptées ? Par le parlement ou par l'exécutif ?

Ni au Conseil constitutionnel, ni au Conseil d’Etat, ni à la Cour de cassation, il n’y a eu de suspension. Le calendrier initial des travaux a été revu, le temps de mettre en place une organisation adaptée aux mesures sanitaires. L’accès direct du public aux audiences a ainsi pu être restreint. Ces mesures d’organisation sont de la seule compétence des cours concernées.

Une loi organique a introduit une seule modification pour ces trois cours. Elle a porté sur le délai de trois mois (prévu par une loi organique) dans lequel les deux cours « filtres » doivent statuer sur les questions prioritaires de constitutionnalité, sous peine de voir la question directement traitée par ce Conseil. Obligatoirement saisi puisqu’il s’agissait d’une loi organique, le Conseil a validé la loi. Il n’apparait pas que des retards significatifs aient été effectivement constatés, l’activité étant au contraire intense en matière de contrôle de l’application des pextes spécifiques à l’urgence.

Pour les autres juridictions, les ordonnances ou la loi ont pu introduire des allongements de délai en matière civile et en matière pénale.

Mais il est un fait en revanche que l’organisation de ces juridictions a été fortement impactée par les indispensables mesures de protection sanitaires dans les enceintes judiciaires.

13. La législation sur l'état d'urgence ou sur la situation d'urgence a-t-elle été modifiée ou adoptée pour faire face à la pandémie de Covid-19?

Oui. Il a fallu une loi créant l’état d’urgence sanitaire, organisant spécialement les pouvoirs et compétences des autorités, et par laquelle le législateur a en outre habilité le pouvoir exécutif à agir par ordonnances sur certaines matières. Il s’agit de la loi 2020-290 du 23 mars 2020. Aux termes de la loi 2020-290 du 23 mars 2020, l’état d’urgence est déclaré par décret en Conseil des ministres.

14. Cette législation supplémentaire a-t-elle fait l'objet d'un contrôle judiciaire?

La loi prorogeant l’état d’urgence votée le 9 mai a été soumise au Conseil constitutionnel qui a rendu sa décision le 11 mai 2020 - voir ici

Pour le résumé des récentes décisions du Conseil constitutionnel (en français) cliquez ici.

15. L'état d'urgence a-t-il été prolongé ? Pour combien de temps ? La prolongation a-t-elle été soumise à un contrôle parlementaire ? A-t-elle été soumise à un contrôle judiciaire?

La loi 2020-290 du 23 mars 2020 (créant l’état d’urgence sanitaire) a habilité le pouvoir exécutif à agir par ordonnances sur certaines matières.

Aux termes de la loi 2020-290 du 23 mars 2020, l’état d’urgence est déclaré par décret en Conseil des ministres (article 2) et ne peut être prorogé au-delà d’un mois que par une loi. C’est ensuite le législateur qui peut proroger l’état d’urgence.

Dans le cas précis du COVID, l’article 4 de la loi visée ci-dessus a déclaré directement l’état d’urgence pour une durée de deux mois.

La prorogation a été prononcée par la loi 2020-546 du 11 mai 2020. L’état d’urgence prendra fin le 10 juillet 2020 selon l’article 1 de cette loi. Une nouvelle prorogation n’est possible que par la loi.

16. Quels sont les recours juridiques disponibles contre les mesures générales et/ou individuelles prises dans le cadre de l'état d'urgence? Quels sont les recours juridiques contre les mesures prises en application de la législation ordinaire sur les crises sanitaires ? Une modification des recours juridiques disponibles a-t-elle été décidée en raison de l'état d'urgence ou provoquée par celui-ci? Des mesures d'urgence ont-elles été invalidées et pour quelles raisons (compétence, procédure, manque de proportionnalité, etc.).

Tous les recours prévus par le droit commun ont pu être exercés normalement.

Contrôle a priori : Dans sa décision du 11 mai 2020, le Conseil constitutionnel a censuré partiellement l’article prévoyant la mise en place d’un dispositif de « traçage » (non numérique), et a pu, par diverses réserves d’interprétation, rappeler notamment en matière de mesures de quarantaine et d’isolement, sa jurisprudence sur les limitations à la liberté d’aller et venir.

Contrôle a posteriori : Durant la période du 16 mars au 10 juillet 2020, le Conseil d’Etat aura jugé plus de 250 référés-liberté et référés-suspension (procédures d’urgence) dont certains ont obligé le Gouvernement à préciser des dispositions issues des ordonnances et des mesures réglementaires prises sous l’empire de la loi d’urgence, initiale ou de prorogation.

La Cour de cassation a examiné tous les pourvois portant sur l’application de certaines des dispositions résultant des mesures d’urgence.

Le Conseil constitutionnel a été saisi de deux QPC portant sur certaines dispositions mises en place dans l’état d’urgence dès la fin du mois de mai. Les décisions ont été rendues le 25 juin et le 2 juillet 2020. Les délais constatés entre la demande devant le tribunal a quo et la décision du Conseil constitutionnel ont ainsi été, dans les deux cas, inférieurs au délai normal de 3 mois. (2020-846.847.848 QPC du 25 juillet 2020 et 2020-851.852 QPC du 2 juillet 2020)Saisi le 11 décembre 2015 par le Conseil d’Etat d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel, par décision du 22 décembre 2015 a déclaré que l’assignation à résidence ne comporte pas de privation de liberté individuelle au sens de l’article 66 de la Constitution et que les 9 premiers alinéas de l’article 6 de la loi du 1955 ne portent pas une atteinte disproportionnée à la liberté d’aller et venir et ne méconnaissent ni l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ni le droit au respect de la vie privée ni le droit de mener une vie familiale normale, ni la liberté d’expression et de communication, ni aucun autre droit garanti pas la Constitution. Le Conseil constitutionnel a également statué que la Constitution n’exclut pas la possibilité pour le législateur de prévoir un régime d’état d’urgence.

La jurisprudence antérieure sur le régime d'urgence peut être pertinente dans le contexte actuel.

Saisi le 18 janvier 2016 par le Conseil d'Etat d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par l'association Ligue des droits de l'homme, le Conseil constitutionnel, par décision du 19 février 2016 a déclaré que l’article 8 de la loi de 1955 sur la fermeture provisoire des salles de spectacle, débits de boisson et lieux de réunion de toute nature est conforme à la Constitution. Le Conseil constitutionnel a également réitéré que la Constitution n’exclut pas la possibilité pour le législateur de prévoir un régime d’état d’urgence.

17. Si des élections parlementaires et/ou, le cas échéant, présidentielles étaient prévues pendant l'urgence de Covid-19 : ont-elles eu lieu? Des dispositions particulières ont-elles été prises et, si oui, lesquelles ? A-t-il été nécessaire de modifier la législation électorale? Quel a été le taux de participation? Comment a-t-elle été comparée à celle des élections précédentes? Si elles ont été reportées, quelle était la base constitutionnelle ou légale pour le faire? Qui a pris la décision? Pour combien de temps ont-elles été reportées? Cette décision a-t-elle été soumise à un contrôle parlementaire ou judiciaire ?

Pas d’objet

18. Mêmes questions que sous 17, mutatis mutandis, en ce qui concerne les élections locales et les référendums.

Des élections municipales ont eu lieu le 15 mars 2020. Le principe d’élections municipales tous les six ans résulte de la loi. C’est au Gouvernement de fixer la date précise.
Le 15 mars 2020, le premier tour de ces élections a pu se tenir.

Le second tour, prévu le 22 mars, a été annulé en raison du confinement annoncé le 16 mars.

L’article 19 de la loi d’urgence a entériné ce report et a fixé une procédure pour fixer la date du second tour, qui a au lieu le 28 juin 2020. Le Conseil constitutionnel a statué par deux QPC du 17 juin 2020 (2020-849 QPC et 2020-850 QPC) sur des dispositions existantes du code électoral concernant le déroulement des élections municipales.