Commission de Venise - Observatoire des situations d'urgence

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Avis de non-responsabilité: ces informations ont été recueillies par le Secrétariat de la Commission de Venise sur la base des contributions des membres de la Commission de Venise, et complétées par des informations disponibles à partir de diverses sources ouvertes (articles académiques, blogs juridiques, sites Web d'information officiels, etc.) .

Tous les efforts ont été faits pour fournir des informations exactes et à jour. Pour plus de détails, veuillez visiter notre page sur le COVID-19 et les mesures d'urgence prises par les États membres: https://www.venice.coe.int/WebForms/pages/?p=02_EmergencyPowersObservatory&lang=FR


  Saint-Marin

1.     La constitution de votre pays comporte-t-elle des dispositions spécifiques applicables aux situations d'urgence (guerre et/ou autre urgence publique menaçant la vie de la nation)?

La Constitution de Saint-Marin est inscrite dans la Déclaration sur les droits des citoyens et les principes fondamentaux de l'ordre constitutionnel de Saint-Marin (ci-après la Déclaration), d'abord adoptée avec la loi n. 59 du 8 juillet 1974 et modifiée ultérieurement par des actes législatifs ultérieurs. La déclaration en elle-même et par elle-même ne prévoit pas de dispositions spécifiques concernant l'état d'urgence publique ou d'autres situations qui menacent la vie de la nation. Il existe cependant une disposition attribuant des pouvoirs d'urgence aux capitaines régents (« Capitani Reggenti »), qui exercent conjointement la fonction de chef de l'État (article 3, paragraphe 1, de la déclaration). En fait, le paragraphe 3 de l'article 3 de la Déclaration dispose que « [en] cas d'urgence et après avoir entendu l'avis du Congrès d'État [l'organe exécutif], [les capitaines régents] peuvent prendre des décrets de régence qui, sous peine de nullité, sera ratifiée par le Grand Conseil Général dans un délai de trois mois. »
La possibilité de restreindre l'exercice de certains droits de l'homme est également envisagée dans la Déclaration, bien que ces restrictions ne concernent pas spécifiquement les situations d'urgence. Aux termes de l'article 6, paragraphe 1, la Déclaration dispose que « [toute] personne jouit des libertés civiles et politiques dans la République. [...]. Aucune restriction ne peut être imposée à l'exercice de ces droits autres que ceux prescrits par la loi et nécessaires à la protection de l'ordre public et du bien-être général ».
Le pouvoir de l'exécutif (le Congrès d'État) relatif à la publication des règlements d'urgence est régi par la loi constitutionnelle n. 183/2005 et la loi qualifiée n. 184/2005.

2.     Existe-t-il dans votre pays des lois organiques/constitutionnelles ou ordinaires régissant l'état d'urgence ?

L'état d'urgence n'est pas spécifiquement réglementé par la législation nationale. Cependant, selon l'article 2, paragraphe 2, lettre b) de la loi constitutionnelle n. 183/2005 sur le Congrès de État (« Congresso di Stato »), en cas d'urgence, le Congrès d'État est habilité à adopter des décrets avec force de loi, qui, sous peine de nullité, doit être ratifiée par le Grand Conseil et Général (« Consiglio Grande e Generale » - le Parlement) dans les trois mois suivant leur adoption. Ces décrets d’urgence sont présentés aux capitaines régents, qui sont chargés de leur promulgation en tant que « décrets-lois ». Ils indiquent dans le préambule les raisons de nécessité et d'urgence qui ont également motivé leur adoption, comme les délibérations du Congrès d'État par lesquelles les décrets-lois respectifs ont été adoptés (voir article 12, loi qualifiée n. 184/2005).

3. Existe-t-il dans votre pays des lois organiques/constitutionnelles ou ordinaires sur les risques sanitaires ou autres situations d'urgence?

En vertu du droit organique ou ordinaire, aucune disposition spécifique n'existe sur les risques sanitaires ou autres urgences publiques en dehors de celles spécifiquement adoptées pour lutter contre la pandémie de COVID-19.

4. L'état d'urgence a-t-il été déclaré dans votre pays en raison de la pandémie Covid-19 ? Par quelle autorité et pour combien de temps?

L'article 1, paragraphe 1, du décret-loi du 28 février 2020 n. 35 a confié au secrétaire d'État à la santé et à la sécurité sociale, le pouvoir de convoquer le Congrès d'État en vue de déclarer l'état d’urgence, à la suite de consultations avec le Groupe de coordination des urgences sanitaires (créé conformément à l'article 2 du même décret-loi). L’article 1, paragraphe 2, du décret-loi n. 35 permet en outre, au Secrétaire d'État à la santé et à la sécurité sociale de proclamer l'état d'urgence sans convocation préalable du Congrès d'État si une telle convocation n'est pas possible en raison de la situation d'urgence. Cependant, l'ordonnance déclarant l'état d'urgence ainsi adoptée doit être présentée au Congrès d'État à sa première rencontre possible. L’article 1, paragraphe 4, du décret-loi du 28 février 2020 n. 35 prévoit également que la validité de l'ordonnance déclarant l'état d'urgence peut être prolongée si les raisons ayant justifié l'adoption existent toujours.
En conséquence, à Saint-Marin, l'état d'urgence a été déclaré le 22 février 2020 par le Secrétaire d'État à la santé et à la sécurité sociale avec l’ordonnance n. 1/2020, publiée à l'issue de l’approbation du Congrès d’Etat par délibération du 22 février 2020 n. 1. Conformément à l'article 1er, paragraphe 3, du décret-loi du 28 février 2020 n. 35, l’ordonnance n. 1/2020 prévoit que ses dispositions sont valables pendant 90 jours à compter de sa date d'émission (article 4, ordonnance n. 1/2020).
Le 23 février 2020, conformément à l'article 1, paragraphe 4, du décret-loi du 28 février 2020 n. 35 et suite à l'approbation du Congrès d'État (délibération du Congrès d’État n.1 du 23 février 2020), le secrétaire d'État à la Santé et à la Sécurité sociale a publié une deuxième ordonnance adoptant des mesures pour contenir la propagation de l'épidémie de COVID-19 (ordonnance n. 2/2020). L'ordonnance établie que ses dispositions étaient valables à partir de sa date d'émission jusqu'au 1er mars 2020 (conformément à l'article 3). D’autres mesures ont été adoptées par le Secrétaire d'État à la santé et à la sécurité sociale le 1er mars 2020 avec l’ordonnance n. 3/2020, qui a abrogé l'ordonnance n. 1/2020 et a permis à ce que les dispositions nouvellement adoptées soient valables à partir de sa date d'émission et jusqu'au 8 mars 2020.

5. La déclaration pouvait-elle être, et a-t-elle été soumise à l'approbation du Parlement (si elle a été prise par l'exécutif)?

L'ordonnance n. 1/2020 par laquelle le Secrétaire d'État à la santé et à la sécurité sociale a déclaré l'état d'urgence et les ordonnances suivantes (ordonnances n. 2 et 3/2020) n'ont pas été soumises en soi à l'approbation du Grand et du Conseil général.
Cependant, le décret-loi du 28 février 2020 n. 35, qui attribuait le pouvoir de déclarer l'état d'urgence au Secrétaire d'État à la santé et à la sécurité sociale, a été adopté par le Congrès d'État en tant que décret d'urgence conformément à l'article 2, paragraphe 2, lettre b) de la loi constitutionnelle n .183 / 2005. En conséquence, il a ensuite été soumis au Conseil Grand et Général pour son approbation conformément à l'article 9, paragraphe 5 de la loi qualifiée n. 186/2005 et article 3, paragraphe 2, lettre b) de la loi qualifiée n. 2/2010. Le Conseil Grand et Général a ratifié le décret-loi n. 35 lors de sa réunion du 27 avril 2020.

6. La déclaration pouvait-elle être, et a-t-elle été soumise à un contrôle judiciaire ? A-t-elle été jugée justiciable?

L'ordonnance déclarant l'état d'urgence n'a pas été soumise à un contrôle juridictionnel.

7. Des dérogations aux droits de l'homme sont-elles possibles dans des situations d'urgence en vertu du droit national? Quelles sont les circonstances et les critères requis pour déclencher une exception? Une dérogation a-t-elle été faite en vertu de l'article 15 de la CEDH ou de tout autre instrument international? Le droit national interdit-il la dérogation à certains droits, même en situation d’urgence? Existe-t-il une exigence explicite selon laquelle les dérogations doivent être proportionnées, c'est-à-dire strictement limitées, quant à leur durée, leurs circonstances et leur portée, aux exigences de la situation?

Dans le cadre juridique de Saint-Marin, la seule disposition qui prévoit explicitement des restrictions à l'exercice de certains droits de l'homme est l'article 6, paragraphe 1, de la Constitution de Saint-Marin (la Déclaration), qui dispose que « toute personne doit jouir des libertés civiles et politiques dans la République. En particulier, les libertés individuelles, la liberté de résidence, d'établissement et d'expatriation, la liberté de réunion et d'association, la liberté de pensée, de conscience et de religion seront garanties. La confidentialité de toute forme de communication doit être protégée. Aucune restriction autres que celles prescrites par la loi et nécessaires à la protection de l’ordre public et du bien-être général, ne sera imposée à l’exercice de ces droits. » Par conséquent, ces restrictions des droits de l'homme reposent sur les principes de légalité, de nécessité et de proportionnalité.

En outre, selon l'article 1, paragraphe 4, de la Déclaration de Saint-Marin, « l'ordre constitutionnel reconnaît, garantit et met en œuvre les droits et libertés fondamentales énoncés par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales », qui - comme d'autres traités sur la protection des droits de l'homme et des libertés - après ratification et mise en œuvre a acquis le statut constitutionnel. Par conséquent, Saint-Marin se conforme aux dispositions sur les dérogations aux droits de l’homme consacrées à l’article 4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et à l’article 15 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH).
En conséquence, des dérogations aux droits de l'homme sont possibles dans les situations d'urgence dans la mesure où elles sont strictement requises par l'exigence de la situation et dans la mesure où les mesures dérogatoires ne sont pas incompatibles avec d'autres obligations liant Saint-Marin en vertu du droit international. En outre, les dérogations ne devraient pas impliquer de discriminations uniquement fondées sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion ou l'origine sociale. Conformément à l'article 4, paragraphe 2, du PIDCP et à l'article 15, paragraphe 2, de la CEDH, dans l'exercice de ses prérogatives de dérogation, Saint-Marin se conforme à l'interdiction de déroger au droit à la vie, au droit de ne pas être soumis à la torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants, le droit de ne pas être soumis à l'esclavage ou à la servitude, le droit de ne pas être emprisonné simplement pour l'incapacité de remplir une obligation contractuelle, le droit de ne pas être puni sans loi, le droit d'être reconnu comme un individu devant la loi et le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion.
Conformément au principe de nécessité, l'ordonnance n. 1/2020 du Secrétaire d'État à la santé et à la sécurité sociale, ainsi que les ordonnances ultérieures, ont rappelé dans leur préambule, les raisons d'urgence qui justifiaient les mesures dérogatoires ainsi adoptées. L’ordonnance n. 1/2020, dans son préambule, a également affirmé sa conformité au principe de proportionnalité et de précaution. Les décrets-lois adoptés ultérieurement par le Congrès d'État et prévoyant des « Mesures urgentes pour réduire la propagation de la COVID-19 (Coronavirus) » ont également mentionné dans leur préambule les raisons d'urgence qui ont justifié leur adoption.